Louise Janet

Pour Jeanne Damas, les Rencontres en Rouje sont un espace de partage personnel, où elle peut mettre en avant les talents qui l’inspirent et donner de la voix aux femmes qui l’entourent. Aujourd'hui, elle passe un moment dans l’atelier de la peintre Louise Janet.

Jeanne :

Merci de nous accueillir dans ton atelier. C’est la première fois que je te rencontre, mais on partage déjà quelque chose car un de tes tableaux est accroché dans ma chambre. En art et en photo, j’aime cette impression d’intimité. C’est quelque chose qui ressort de ton œuvre, on a l’impression que tu connais les personnages que tu peins ?

Louise :

Oui, sur ton tableau c’est mon copain ! Je l’ai rencontré aux Beaux-arts. C’est quelque chose qui me vient naturellement : au lycée déjà, je dessinais beaucoup ce que j’avais sous les yeux, les gens de mon entourage. C’est resté dans ma peinture aujourd’hui, peindre les gens que j’aime. On peut donc reconnaître d’une œuvre à l’autre les figures que je peins, elles deviennent des archétypes.

Jeanne :

Tu fais aussi beaucoup de petits formats : c’est volontaire ?

Louise :

L’an dernier j’ai observé beaucoup de peintures hollandaises, notamment des Vermeer : ce sont des tout petits formats qui regorgent de détails, j’aimais l’idée d’un tableau encadré avec des rideaux, peint avec gourmandise. Donc oui, en plus le petit format oblige à être synthétique, sans fioritures, avec une forme de simplicité.

“ce sont des tout petits formats qui regorgent de détails, j’aimais l’idée d’un tableau encadré avec des rideaux, peint avec gourmandise.”

Jeanne :

Tu as toujours su que tu voulais être peintre ?

Louise :

J’ai toujours dessiné, mais je suis passée par plein de stades. Avant d’arriver aux Beaux-Arts, j’ai pensé aux arts déco, à l’illustration, à la bande dessinée. Ici, j’aime la liberté et l’autonomie accordée aux étudiants. C’est ce dont j’avais besoin après le lycée ! Au début, c’était presque vertigineux, j’avais l’impression de ne pas faire d’études. Finalement l’enseignement est empirique, informel : on discute entre nous, on apprend en atelier, avec les autres promotions. Et une fois parmi les plus âgés de l’école, on apporte des choses aux plus jeunes. D’autres structures pourraient s’en inspirer parce que c’est une des meilleures façons d’apprendre.

Jeanne :

C’est toujours plus constructif d’apprendre en découvrant. Ça doit aussi encourager le partage d’idées, de créations… Qu’est-ce qui t’inspire, en ce moment ?

Louise :

Le cinéma, la littérature, c’est ce qui m’a amenée à la peinture. J’aime la façon dont la Nouvelle Vague parle du quotidien, par exemple, en étant très bavard ! Rohmer, Pialat… Je lis aussi beaucoup et je trouve que les mots peuvent faire apparaître des images. En peinture contemporaine, j’aime Nathanaelle Herbelin, elle suit ses envies avec humanité et simplicité. C’est simple, beau, universel.

Jeanne :

Tu parles de Nathanaelle, j’ai aussi vu beaucoup d’expositions féminines ces derniers temps. Tu as l’impression qu’il y a une relève de peintres femmes ?

Louise :

Oui, ça bouge. C’est une cause à laquelle j’ai été sensibilisée depuis longtemps par ma mère, conservatrice au musée d’Orsay. Il y a quelques années, elle a fait une expo sur les femmes photographes, elle a aussi signé un livre sur le sujet. J’ai eu ce modèle dans mon enfance. Mais on en parle davantage qu’à l’époque, et j’ai l’impression d’arriver au bon moment ! Également car la peinture figurative revient sur le devant de la scène dans les galeries, car ce n’était pas le cas il y a quelques années.

“C’est tellement plus intéressant de s’éloigner des attitudes genrées.”

Jeanne :

J’aime aussi le fait que sur mon tableau, ce soit toi qui peigne ton amoureux et non l’inverse. L’homme à la place de muse et la femme en créatrice !

Louise :

Justement, j’aime aussi le peindre dans des situations qui s’éloignent de la virilité, comme vulnérable en train de dormir. C’est tellement plus intéressant de s’éloigner des attitudes genrées. Mais il est peintre également, il s’appelle Nicolas Gaume, si tu veux voir son travail !

“C’est tellement plus intéressant de s’éloigner des attitudes genrées.”

Jeanne :

Je vais regarder ! Et quels sont tes prochains projets ?

Louise :

J’ai mon diplôme à la fin de l’année, puis une exposition dans la galerie de Mathilde Le Coz en février prochain dans le 3e arrondissement. C’est ma première exposition en solo. J’ai aussi candidaté à la galerie du Crous avec deux amis, et notre proposition a été retenue.

Jeanne :

Comment tu commences un tableau, il y a une règle, un rituel ou pas du tout ?

Louise :

Je tends ma toile sur le châssis et je commence une couleur. J’utilise de la peinture à l’huile, pour avoir une plus grande richesse en nuances. Il faut aussi attendre que l’huile sèche, donc une toile me prend plusieurs jours. Je travaille sur différents tableaux en même temps. Je commence par un croquis pour étudier le cadrage. Là, par exemple, c'est un cas un peu particulier : mon chat est mort devant la chambre de mon frère il y a quelques semaines, j’ai pris une photo à ce moment pour peindre cette scène ensuite. Ou sinon après un dessin.

Jeanne :

Tu dirais qu’un thème se dégage de tes œuvres ?

Louise :

Je travaille avec les images qui me plaisent, les gens de mon entourage, ma famille. Je suis obsédée par l’idée de garder des traces des choses, des gens que j’aime, et c’est l’un des pouvoirs de la peinture ou de la photo. Conserver la mémoire des moments qui passent.

“Je suis obsédée par l’idée de garder des traces des choses, des gens que j’aime, et c’est l’un des pouvoirs de la peinture ou de la photo. Conserver la mémoire des moments qui passent.”

Crédits :
Photos par Jeanne Damas
Video par Nicole Lily Rose

Découvrez les autres portraits

newsletters
newsletters

VENEZ VIVRE #LaVieEnRouje Je suis déjà inscrit