Jeanne Damas aime à le rappeler : Rouje est une histoire de femmes. Des chemins qui se croisent, des dialogues qui inspirent, des idées qui restent. Au fil de ces portraits, elle donne la parole aux figures féminines dont le parcours l’interpelle. Aujourd’hui, elle rencontre Bettina et Patricia : ensemble, elles parleront de transmission, de déco éco-responsable et de se réinventer professionnellement.
Bonjour Patricia, bonjour Bettina. Aujourd’hui, on est dans votre boutique de décoration du XXe arrondissement. Je me demandais comment vous vous étiez rencontrées ?
On est voisines à la base, on habite dans le même quartier. Ça fait sept ans qu’on se connaît. Nos maisons sont collées dans « la campagne à Paris ». D’abord le voisinage, rapidement l’amitié.
Puis la boutique ?
Bettina : Quand j’ai arrêté d’être agent de mannequin, j’avais envie de faire une boutique de céramiques vintage dans ce quartier que j’adore.
Patricia : Moi j’avais une agence commerciale dans la mode. Les dernières années, je me sentais essoufflée. J’étais écoeurée du rythme de la mode, dans lequel je ne me reconnaissais plus. J’avais envie d’autre chose, sans savoir quoi. Bettina est venue me chercher pour monter la boutique.
Bettina : Je l’ai presque forcée ! Un matin, elle arrive avec une cigarette et un café. Elle voulait de la responsabilité, du vintage, de l’artisanat. Et c’est parti très vite. On avait tellement d’envies que tout s’est enchaîné.
Vous avez pu trouver ce lieu rapidement ?
Patricia : On avait déjà fait un pop up ici. D’ailleurs, on a trouvé le lieu avant d’avoir une structure, une entreprise réellement montée. On rêvait de ces vitrines magnifiques, puis le lieu était disponible. Quand tout est fluide comme ça, c’est que c’est la bonne direction.
Bettina : 30 ans après avoir été agent de mannequin, j’avais envie de changement. J’avais 53 ans. Donc à tout âge, si vous avez envie de commencer une nouvelle vie, si vous n’êtes pas heureux dans ce que vous faites, il faut y aller. Faites-le ! Il faut se lancer et croire en ce qu’on fait.

Vous aviez aussi envie de quelque chose de plus chaleureux, à l'image de la proximité et de l’atmosphère village du quartier.
Patricia : On est à Jourdain, ça fait une dizaine d’années que j’y suis. 85% des clients sont du quartier, ils aiment leurs commerces et leurs boutiques indépendantes : on sent vraiment un soutien. Pendant le confinement, on a fait du click and collect et on a vraiment senti que les gens étaient derrière nous.
Bettina : Ici, il y a des familles, des retraités, des expatriés : anglais, suédois…
C’est le vrai Paris pour moi, cette mixité ! D’ailleurs, vous êtes vous-mêmes Allemande et Suédoise ?
Patricia : Je suis d’origine Suédoise, Ethiopienne et Danoise dans le sang.
Bettina : Et moi je suis Allemande et Italienne. Aucune de nous n’est née à Paris.

Comment vous y êtes arrivées ?
Patricia : Je suis venue à la fin des années 90 pour quelques mois, de Suède, pour apprendre le français. En arrivant, j’ai fait un an de colocation. J’ai trouvé la ville extraordinaire, surtout en venant de la banlieue de Göteborg ! Je n’ai jamais voulu repartir, donc j’ai commencé à travailler dans une boutique streetwear rue d’Argout. J’ai rencontré des amis, mon mari et 23 ans plus tard j’habite encore Paris. Au début, ma mère me demandait quand est-ce que j’allais rentrer… Au bout d’un moment, elle n’a plus posé la question ! Ici je me sens suédoise et en Suède je me sens parisienne. J’adore cette ville.
Bettina : Je suis arrivée en 1986 en tant que mannequin. Je voyageais un peu : Italie, Japon, États-Unis… J’ai décidé de m’installer à Paris pour sa proximité avec l’Allemagne. C’était important pour moi de pouvoir rentrer facilement voir ma famille. J’ai commencé à devenir agent de mannequin, finalement pendant 30 ans, et j’ai fondé une famille. Aujourd’hui je me sens Parisienne, je ne pense pas pouvoir vivre en Allemagne.
Qu’est-ce que vous pensez des clichés associés à la Parisienne ?
Patricia : C’est une femme libre ! Impossible d’en trouver une seule définition. Il y a autant de personnalités que de femmes, nous sommes toutes différentes.
Bettina : En revanche je vois dans notre clientèle et les femmes qu’on côtoie : au-delà de l’âge, la femme a changé. Elles sont indépendantes, elles font leurs choix, elles sont déterminées. En 20 ans j’ai vu une différence. Lors de mes dernières années en tant qu’agent de mannequin, j’observais déjà cette différence. Elles se gèrent aussi bien toutes seules ! Elles mènent leur vie, suivent leurs rêves, n’ont pas peur. Je n’étais pas comme ça à leur âge. Ça dépend peut-être de l’endroit où l’on grandit aussi, peut-être qu’on grandit plus vite à Paris.

Je suis sûre que tu penses à ta fille quand tu dis ça ? Luna, avec qui tu étais sur le shooting d’anniversaire et qui signe les photos de certaines campagnes Rouje.
Bettina : Oui, c’était la première fois qu’on posait ensemble, je crois qu’elles étaient contentes d’avoir une photo avec leur maman. Pour revenir à Luna, je n’étais pas comme ça à son âge, aussi sûre de moi ! J’ai l’impression d’avoir mis des années à me construire et que tout va plus vite pour elle.
C’est vrai qu’elle sait ce qu’elle aime et qu’elle fait ce qu’elle aime. Qu’est-ce que tu as souhaité transmettre, à elle et à sa sœur ?
Bettina : Je suis ravie que mes enfants fassent le métier qu’elles souhaitent faire. Je leur ai toujours dit : faites quelque chose qui vous plait vraiment, quitte à prendre votre temps. Et si ça vous plait pas, changez ! Mes parents se projettent beaucoup sur moi, je n’avais pas envie de ça pour eux. Aujourd’hui elles sont toutes les deux créatives.

Tu disais que c’était peut-être lié à leur enfance et adolescence parisiennes. Pourtant, il y a aussi un profil de personnalité qui grandit loin de la capitale et qui y arrive avec d’autant plus de détermination.
Bettina : De toute façon, il faut bien que des gens viennent : la plupart des parisiens ne sont pas forcément nés à Paris.
Patricia : Voilà, on adopte la ville pour devenir une Parisienne.
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Crédits :
Photos par Jeanne Damas
Video par Nicole Lily Rose
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